Contrairement aux success stories qui inondent LinkedIn, la majorité écrasante des entreprises B2B galère. Ne nous voilons pas la face.
Loin d’être des cas isolés, les contre-performances sont désormais la norme. Les chiffres sont sans appel, les causes systémiques. Et le déni ne fait qu’aggraver la situation. Dans cette article, nous avons compilé des données issues d'études récentes (et globales) qui pointent les dysfonctionnements des équipes de vente. Pourquoi ? Pour briser le tabou du silence autour des performances commerciales.
Un effondrement généralisé, pas un simple ralentissement
En 2024, seuls 28 % des professionnels de la vente pensent que leur équipe atteindra 100 % de ses objectifs annuels (G2). Cette crise de confiance s’appuie sur des résultats concrets : seulement 47 % d’atteinte moyenne des quotas dans les organisations B2B selon Forrester, 70 % de commerciaux en échec d’après SPOTIO, et à peine 24,3 % qui dépassent leur quota annuel selon Salesforce.
Dans les entreprises SaaS, le recul est encore plus fort : chez les Account Executives, l’atteinte des objectifs est passée de 66 % en 2022 à 51 % en 2024 (Bridge Group). Et au niveau organisationnel, la chute est tout aussi brutale : selon QuotaPath, 91 % des entreprises B2B ont échoué à atteindre leurs objectifs commerciaux en 2023. À ce stade, on ne parle plus de difficultés isolées, mais d’un effondrement généralisé.
Des cycles de vente hypertrophiés, des prévisions paralysées
Les processus de vente s’allongent et désorganisent toute la mécanique commerciale. Les startups ont vu leurs cycles croître de 24 % depuis 2022, et les ventes "enterprise" prennent 36 % de temps en plus (Gradient). Le cycle médian en B2B SaaS dépasse aujourd’hui les 75 jours (Databox), avec des écarts extrêmes selon les typologies de deal.
Certaines entreprises cherchent à relativiser cette performance par la saisonnalité : historiquement, les résultats du S1 sont souvent inférieurs de 10 à 15 % à ceux du S2, en raison des réinitialisations budgétaires et des cycles de planification (Gradient). Mais en 2024, même ces repères cycliques ne suffisent plus à expliquer la tendance.
La lenteur croissante du cycle s’accompagne d’une autre pathologie : l’imprécision chronique des prévisions. Huit entreprises sur dix ratent leurs forecasts de plus de 25 % (Xactly), et 98 % reconnaissent avoir du mal à produire des prévisions fiables. À un moment où la visibilité sur les revenus est stratégique, cette instabilité fragilise à la fois les plans commerciaux et les arbitrages financiers.
Conversion en chute libre, pipelines instables
Le cœur de la machine commerciale – la conversion – s’essouffle. Le taux de closing moyen chute à 17-20 % selon Winning by Design. Salesforce indique que seulement 6 % des SQLs mènent à une vente réelle. Et sur le terrain, la prospection devient de plus en plus laborieuse : il faut désormais 18 appels pour obtenir un contact qualifié, avec un taux de conversion de seulement 2 % sur les cold calls.
Quant aux pipelines, ils peinent à se renouveler. Dans certains CRM, la valeur des opportunités anciennes est cinq fois supérieure à celle des nouvelles entrées (ClicData), révélant une stagnation préoccupante. Le désalignement persiste aussi entre marketing et sales : seuls 25 % des leads sont jugés qualifiés pour transmission, tandis que 95 % des commerciaux estiment que la qualité des leads est insuffisante.
Une structuration défaillante, au cœur du problème
Moins de 30 % du temps des commerciaux est réellement dédié à la vente. Le reste s’évapore dans des tâches annexes – reporting, saisie CRM, prospection manuelle, réunions – qui grèvent leur efficacité. Ce déséquilibre quotidien s’aggrave en l’absence de méthodes solides : 68 % des commerciaux ne suivent aucun processus de vente défini (Spekit), alors que 95 % des équipes performantes s’appuient sur des frameworks clairs (SuperOffice).
L’onboarding est lui aussi largement déficient. La majorité des commerciaux arrive sur le terrain sans playbook opérationnel, ni plan de montée en autonomie bien défini. Et la formation ne suit pas : 70 % manquent de formation formelle, et seulement 17 % des entreprises disposent d’un programme structuré (Qwilr). Sans surprise, le coaching reste marginal : 73 % des managers commerciaux y consacrent moins de 5 % de leur temps, alors même que son impact est démontré (Brooks Group).
Cette sous-structuration devient d’autant plus critique que les acheteurs B2B, eux, ont profondément changé. Aujourd’hui, 70 % du parcours d’achat est réalisé en autonomie, avant même le premier contact avec un commercial (SPOTIO). Et 75 % des décideurs préfèrent désormais avancer sans intervention directe. Ce basculement vers une vente plus asynchrone, plus informée, exige une posture radicalement différente. Quand le client arrive déjà armé de données, d’options et de comparatifs, les méthodes artisanales ne tiennent plus. Ce n’est plus le terrain qui manque, c’est le cadre.
Une pression mal répartie, des équipes sous-équipées
Dans de nombreuses PME françaises, les directeurs commerciaux pilotent des équipes de plus de 10 personnes sans middle management, ni sales ops, ni playbook robuste. Avec une rémunération moyenne de 75 000 € de fixe et 17 000 € de variable (Uptoo), ils se retrouvent à la fois sous pression et sous-équipés. Et cette pression n’est pas nécessairement compensée par un système de soutien ou de structuration suffisant, ce qui limite fortement leur capacité à faire progresser durablement la performance.
Conclusion : une remise à plat s’impose
Ce que révèlent toutes ces données, c’est l’épuisement d’un modèle commercial qui n’a pas été adapté aux transformations profondes du marché B2B. Allongement des cycles, imprévisibilité des résultats, désalignement entre fonctions, déficit de transmission et d’outillage : tout pointe vers une même cause racine. Ce n’est pas une crise du sales. C’est une crise de structuration.
Le retour à la performance ne passera ni par un outil de plus, ni par un slogan de moins. Il demandera une reconstruction méthodique : des processus clairs, des rituels collectifs ancrés, un management réellement opérationnel et une vision partagée de la performance. Ceux qui performent aujourd’hui n’ont pas trouvé la formule magique. Ils ont construit, pas à pas, une machine commerciale qui tourne “pour de vrai”.
Sources principales
- QuotaPath - Why 91% of sales teams missed quota
- G2 - 70 Sales Enablement Statistics for 2025
- Salesforce - Quota Attainment Guide & State of Sales Report
- Gradient - 2024 B2B Sales Benchmarks
- SPOTIO - 130 Eye-Opening Sales Statistics
- Forrester - Quota Attainment Analysis
- Xactly - 2024 Sales Forecasting Benchmarks
- Qwilr - Sales Training & Coaching Statistics
- Spekit - Sales Enablement Statistics
- Databox - B2B Sales Cycle & SaaS Benchmarks
- Brooks Group - High-Performance Sales Teams
- SuperOffice - Sales Process Guide
- MySalesCoach - State of Sales Coaching 2025
- Sources France : GPO Magazine, TechCrunch, Tool Advisor, Uptoo